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Hypertension : faut-il traiter le patient ou un chiffre tensionnel ?

C’est sous ce titre un peu provocateur et faisant référence à la nécessité d’une approche holistique que le Docteur A. Lozano (Chirec - Ste Anne-St Rémi, Bruxelles) a positionné son exposé sur la prise en charge actuelle de l’hypertension artérielle.

Rédaction Tempo Médical

L’hypertension est une pathologie et un facteur de risque pour d’autres pathologies. Les facteurs de risque ne sont pas isolés, ils agissent ensemble et augmentent fortement le risque de maladie cardiovasculaire du patient, c'est pourquoi nous devrions traiter le patient avec tous ces facteurs de risque.

En Belgique par exemple, l’étude SIMPLIFY a montré que la grande majorité des patients hypertendus présentaient au moins une comorbidité, dont le surpoids et l’obésité dans 96% des cas.1 « Les diverses pathologies d’un même patient ne doivent pas être isolées. Si l’on pense par exemple au syndrome métabolique, on voit bien leurs diverses intrications. » explique le Dr A. Lozano.

« Face à un patient présentant une hypertension associée à un diabète de type 2, une maladie coronarienne ou une insuffisance cardiaque, que faut-il traiter ? » nous demandait-il.

Si l’on regarde les recommandations, rappelons que l’objectif à atteindre est une pression artérielle systolique <130mmHg et une PA diastolique < 85mmHg. En 2018, les recommandations de l’ESC/ESH mettaient l’accent principal sur une réduction de la PA chez les patients hypertendus. A cet effet, les IEC et les sartans démontrent une réduction de la pression artérielle dans des proportions similaires. En effet, une diminution de 2mmHg diminue la mortalité cardiovasculaire de 7% environ.2
On recommande de recourir d’emblée à une bithérapie à base d’IEC ou sartan et inhibiteur calcique et/ou diurétique, plus efficace, plus homogène et avec moins d’inobservance thérapeutique qu’une monothérapie. En 2020 paraissaient les premières guidelines internationales, dans le but d’uniformiser le management de l’hypertension artérielle dans le monde entier.3 On y note déjà une différence dans le choix des bloqueurs du système rénine-angiotensine selon les caractéristiques et comorbidités du patient. Les guidelines Canadiennes, quant à elle, recommandent d’utiliser les IEC chez les patients cardiovasculaires et de réserver les sartans en cas d’intolérance aux IEC.

Ainsi, chez des patients présentant au moins 3 facteurs de risque CV, la bithérapie perindopril/amlodipine a montré dans l’étude ASCOT-BPLA une réduction significative de la mortalité CV et toutes causes confondues par rapport à l’association aténolol/thiazide, pour une même réduction de la pression artérielle.4

Si l’on examine les recommandations en matière d’utilisation d’IEC/sartans chez les patients atteints d’hypertension artérielle et de diabète, d’atteinte coronarienne ou d’insuffisance cardiaque, là aussi les directives disponibles sont discordantes par rapport aux guidelines de la prise en charge de l’hypertension.

Si l’hypertension est associée à un diabète, les guidelines spécifiques8 préconisent plutôt les IEC, en raison d’une protection cardio-rénale.5 L’étude ADVANCE a par exemple montré une réduction de la mortalité toutes causes versus placebo avec l’association perindopril/ indapamide.6 En revanche, les études menées avec des sartans (ROAMAP, RENAAL et IRMA) n’ont pas été à même de démontrer un effet cardioprotecteur par rapport au placebo chez les patients diabétiques.

Lorsque l’hypertension est liée à une maladie coronarienne, les guidelines spécifiques9 préfèrent les IEC aux sartans : de nombreuses études apportent effectivement la preuve d’une protection cardiovasculaire significative chez ces patients en prévention primaire ou secondaire. L’étude EUROPA par exemple a montré une réduction de 20% du risque de mortalité cardiovasculaire, IM non fatal et arrêt cardiaque avec le perindopril versus placebo.7

L’étude TRANSCEND, par contre, n’a pas été en mesure de démontrer une réduction de la mortalité cardiovasculaire avec telmisartan chez des patients souffrant de MCV et de diabète.

Enfin, quand l’hypertension va de pair avec une insuffisance cardiaque, les guidelines spécifiques10 préconisent également de préférer les IEC aux sartans en raison de leurs preuves (EBM) plus solides, les IEC étant la première classe de médicaments dont on a montré qu'ils réduisaient la mortalité chez les patients IC, et les sartans n’ayant jamais démontré une réduction de la mortalité toutes causes.

« Que retenir en pratique de toutes ces recommandations ? Que quand l’hypertension est liée à d’autres pathologies CV, et c’est très souvent le cas, les IEC sont toujours recommandés en premier choix. » concluait le Dr Lozano. « Une pression artérielle sous contrôle, c’est bien, protéger tous les organes cibles, c’est mieux ! ». 

1. De Backer et al, Simplify study, Plos One 2021. / 2. William B. et al. Eur Heart J(2018) 00, 1-98, doi:10.1093/eurheartj/ehy339. / 3. Thomas Unger et al., 2020 International Society of Hypertension Global Hypertension Practice Guidelines, Hypertension. 2020;75:1334–1357. / 4. ASCOT Investigators. Lancet 2005;366:895-906. / 5. Cosentino F et al., Eur Heartyh J.2019. / 6. Patel A et al., Lancet 2007. / 7. FOX KM.et al., Lancet 2003. / 8. Cosentino et al., European Heart Journal (2019) 41, 255-323. / 9. Juhani Knuuti, et al. Eur Heart J (2019) 00, 1-71. / 10. Theresa A. McDonagh, et al. Eur Heart J (2021) 42, 3599-3726.

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