Derrière l’idée reçue d’un système « trop cher », le quotidien du Docteur Aude Montanier, généraliste conventionnée en zone rurale, raconte une tout autre réalité : rendez-vous manqués, traitements non suivis, urgences évitables… Autant de comportements qui épuisent les soignants et fragilisent un système déjà sous tension. Plaidoyer pour une responsabilité réellement partagée.
« Il me semble important de rappeler certaines réalités du terrain, souvent ignorées ou minimisées.
Certains patients, persuadés de « payer cher » pour leur santé, oublient parfois le véritable coût du système et les efforts nécessaires pour le faire fonctionner. Ils consultent, reçoivent un traitement, ne le suivent pas… puis reviennent, étonnés que leur état ne se soit pas amélioré. D’autres ne se présentent pas à leurs rendez-vous, puis reviennent en urgence, trois semaines plus tard, dans un état aggravé. Ces comportements ont un impact réel : surcharge des plannings, épuisement des soignants, désorganisation des parcours de soins.
Aujourd’hui encore, plusieurs consultations auraient pu être évitées. Deux spécialistes ont dû être sollicités en urgence pour des situations prévisibles, dues au non-respect des recommandations médicales. Ce sont des actes coûteux, en temps et en ressources, qui pèsent lourdement sur un système déjà fragilisé.
Par ailleurs, j’entends souvent la colère de certains, convaincus de « payer nos études », qu’ils imaginent gratuites. À ceux-là, je propose d’essayer : de faire ces dix années d’études, sans redoubler, souvent loin de leur famille, en vivant dans un kot de 20 m² ou en colocation à Bruxelles, Liège ou ailleurs. D’y consacrer toute leur jeunesse, tout en jonglant avec des stages exténuants, jour et nuit, pour une rémunération dérisoire, dans des conditions parfois illégales, sans contrat respecté. À ceux-là, je dis : croyez-moi, nous les remboursons très largement. Ceux qui ont un proche dans le système de santé le savent bien.
Et rappelons le but de ce financement public : permettre un accès plus équitable à la profession. Il n’est pas question de privilège, mais d’éviter que seuls ceux ayant les moyens puissent devenir médecins. Faut-il vraiment revenir à un système élitiste, inaccessible pour beaucoup ?
Je suis médecin généraliste, conventionnée, en zone rurale. Je réalise des consultations de 20 à 30 minutes, des visites à domicile, je pratique le tiers payant. Lors des gardes imposées de douze heures, ma rémunération est de 42 € bruts de l’heure. Je gère des pathologies toujours plus complexes, sur des territoires de plus en plus étendus. Et malgré cela, on me rappelle souvent que « j’ai signé »…
Nous travaillons 50 heures par semaine, sans compter les gardes, les formations, les réunions, les urgences. Et un jour, peut-être bientôt, plus personne ne voudra soigner. Parce que très peu sont prêts à sacrifier dix ans de leur vie, leur jeunesse, leur vie de famille, pour un métier aussi exigeant, aussi dévalorisé.
Travailler plus, se former en continu, assurer une disponibilité permanente, tout en maintenant une qualité de soins élevée… cela a un coût. Le nier, c’est fragiliser un système de santé déjà au bord de la rupture.
Merci à tous les patients qui sont là pour nous, respectueux, bienveillants, arrangeants, souvent pleins d’humour. Vous nous faites tenir. Vous nous rappelez chaque jour pourquoi nous avons choisi cette vocation. Ne baissons pas les bras : essayons ensemble de maintenir une qualité de soins optimale et un respect mutuel ».
Union Belges des Prestataires de Soins
L’équipe de rédaction Tempo Today
M'enfin ! Tout cela est normal. "Ils" en ont le "DROIT". Absolu et imprescriptible.
De la même façon qu'"ILS" ont le droit de caillasser les autobus et leurs chauffeurs, de menacer les enseignants lorsqu'ils ne "donnent" pas les points et diplômes, de donner des coups de couteau aux infirmiers des urgences,...
Il est temps d'imposerdes cours des TP (et des examens) de soumission dans le cursus des études plutôt que de s'étonner ou d'envisager un changement.
Peut-être les contrats devraient-ils d'ailleurs comprendre un engagement à subir "cela" sans limite ni ronchonnement.