Edito de notre Dir Med : “Le blues des généralistes…”

Et tout à coup, c’est « panique à bord » : notre Ministre s’active dans la précipitation de la fin de son mandat pour nous sortir une charte « New Deal »⁽¹⁾ du parfait petit généraliste de demain. Les médecins français montent en force au créneau pour revaloriser leur salaire de 100%, se rendant enfin compte, mieux vaut tard que jamais, qu’ils sont aussi mal payés que nous (conventionnés) alors que la majorité des médecins généralistes européens gagnent en moyenne 46€/prestation⁽²⁾.

La problématique est complexe : la tranche de généralistes la plus active dans notre pays est celle de 50-65 ans. La moyenne d’âge étant de 57 ans pour les hommes et 46,4 ans pour les femmes, avec près de 20% des généralistes qui restent actifs après 65 ans⁽³⁾. Il se profile donc à court terme (10 ans) une pénurie inquiétante…

Le métier n’attire manifestement plus nos jeunes refroidis par un examen d’entrée qui en rebuterait plus d’un, un manque de reconnaissance de la profession, une charge de travail   et des responsabilités toujours plus lourdes  qui ne correspondent plus au salaire perçu.

Il n’est en effet pas concevable, au terme de 9 ans d’études et l’obtention d’un diplôme universitaire, de percevoir en tant qu’indépendant un salaire brut de moins de 100€/heure.

Il semble donc normal que la jeune génération s’en détourne et que ceux qui s’y lancent malgré tout, veulent la garantie d’une qualité de vie satisfaisante avec des horaires aménagés ce qui implique généralement une pratique de groupe à 3 médecins (tranches horaires de 8h) qui se relayeront, là où auparavant, il n’y en avait qu’un pour faire le boulot. Si je compte bien, il faudra donc à l’avenir 2 à 3x plus de médecins généraliste pour satisfaire la demande. Où allons-nous les trouver ?

Quand nos confrères français montent au créneau, exigeant un salaire décent de 50€/prestation, leur gouvernement s’offusque d’une telle majoration prétextant un trou supplémentaire dans la sécu de 9 milliards⁽⁴⁾. Mais pourquoi serait-ce uniquement à l’état de régler cette dette ?

J’ai toujours trouvé anormal et inapproprié le concept de « médecine gratuite pour tous ».

Nous avons en Belgique un modèle de soins de santé unique au monde, envié de tous et montré partout comme l’exemple à suivre… Libre choix pour les patients, pas plus déficitaire que les autres, avec une qualité de soins quasi irréprochable et une prise en charge rapide et efficace. Cela vaut bien une participation financière « correcte » du patient pour un tel service ? Demandez à nos « expats » au Royaume-Unis ou en Hollande ce qu’ils en pensent…

Quand on voit ce que les gens sont capables de dépenser chez leur vétérinaire ou leur coiffeur, on peut raisonnablement penser que débourser 25€ de leur poche pour une consultation médicale chez leur généraliste ne paraît pas excessif…

Je ne parle évidemment pas de la tranche de la population, paupérisée, incapable de joindre les 2 bouts pour les choses essentielles : se nourrir, se loger, se chauffer et se soigner !

Encore faut-il que nos BIM’s soient de vrais BIM‘s. Et là il y a un gros travail à faire pour récupérer de l’argent très mal distribué… Deux exemples concrets : Vous êtes multimillionnaire en immobilier et vous ne travaillez donc pas, vous êtes éligible pour le statut de BIM ! Vous êtes un antiquaire avec pignon sur rue, centre-ville, mais comme la plupart de vos transactions se font sous le tapis (d’orient), vous gagnez affreusement mal votre vie…  Et Bim vous êtes BIM ! Des cas comme ça sont malheureusement légions dans nos patientèles et doivent absolument être débusqués.

Une dernière chose que je conseillerais à notre Ministre, s’il veut réformer intelligemment notre profession, de façon à l’honorer correctement, la revaloriser pour la rendre à nouveau plus attractive, sans pour autant creuser de déficit supplémentaire, serait de restructurer en profondeur le fonctionnement des mutuelles, de leur retirer ce pouvoir absolu et despotique qu’elles exercent sur les soins de santé en Belgique et de les remettre à leur juste place: celle de simple intermédiaire entre le patient et l’INAMI. Les mutuelles font partie des instances les plus riches du pays. Est-ce normal dans le cadre d’une simple fonction de secrétariat de gestion? Tout ce pactole amassé au cours des décennies précédentes ne devrait-il pas être réinjecté dans le giron de nos soins de santé ? Je suis convaincu que ce simple transfert permettrait d’éponger une bonne partie de notre dette, plutôt que de vouloir inlassablement récupérer cet argent dans la poche des médecins…

Bon week-end à tous,

Dr Patrick De Moor

Médecin généraliste

Directeur médical Vivactis Group