Quand une mauvaise circulation sanguine alimente la croissance tumorale

L’ischémie, c’est-à-dire la réduction du flux sanguin due à l’accumulation de dépôts graisseux dans les artères, est bien connue pour ses conséquences cardiovasculaires, comme l’infarctus ou l’accident vasculaire cérébral. Mais ses effets ne s’arrêtent pas là. Selon une étude publiée dans JACC: CardioOncology, une circulation sanguine restreinte dans les membres inférieurs double la vitesse de croissance des tumeurs mammaires chez la souris.

Les chercheurs montrent que ce phénomène repose sur un dérèglement immunitaire. Privée d’oxygène, la moelle osseuse bascule vers une production accrue de cellules myéloïdes (monocytes, macrophages, neutrophiles), qui favorisent l’inflammation chronique et limitent les réponses antitumorales. À l’inverse, la génération de lymphocytes T protecteurs diminue.

Cette « dérive » immunitaire se traduit aussi dans le microenvironnement tumoral, enrichi en cellules suppressives - monocytes Ly6Chi, macrophages M2 et lymphocytes T régulateurs - qui protègent le cancer de l’attaque immunitaire. Plus inquiétant encore, les chercheurs ont montré que l’ischémie modifie durablement l’organisation de la chromatine et l’expression de centaines de gènes, orientant les cellules immunitaires vers un état de tolérance vis-à-vis des tumeurs.

Ces travaux s’inscrivent dans la continuité d’une étude publiée en 2020 par la même équipe, qui avait déjà mis en évidence un effet comparable de l’ischémie myocardique sur la croissance tumorale. Ils renforcent l’idée que la restriction du flux sanguin, où qu’elle survienne dans l’organisme, peut stimuler le développement du cancer.

Les auteurs soulignent que ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives cliniques : intensifier le dépistage oncologique chez les patients atteints de maladie artérielle périphérique, et tester des thérapies ciblant l’inflammation pour contrer ces effets délétères.