40 ans d’expertise dans le secteur médical et pharmaceutique

La quotidienne d’actualité médicale et santé pour les médecins et pharmaciens belges.

Toute l'actualité médicale 

BPDays 2022 : vers une révolution dans le traitement de l’asthme

La dernière édition des BPDays est revenue sur le traitement de l’asthme, au cours de sessions passionnantes qui ont souligné l’évolution que nous connaissons actuellement de la prise en charge de l’asthme, avec des traitements innovants, la problématique du contrôle des exacerbations et de nouvelles données qui ouvrent la voie sur une meilleure compréhension de l’asthme.

Biologiques et prise en charge des exacerbations d’asthme

Avec la reconnaissance de la nature inflammatoire de l’asthme et l'introduction des corticostéroïdes inhalés, le contrôle de l'asthme s’est considérablement amélioré. Néanmoins, les patients sont toujours confrontés à des exacerbations de gravité variable, pouvant impacter leur pronostic vital. Quelle stratégie faut-il adopter face à une exacerbation sévère ?

Une approche généralisée, basée sur les symptômes, ne s’avère pas efficace chez une proportion substantielle de patients, et les traitements dès lors non utilisés de manière optimale peuvent sembler moins efficaces qu’ils ne le sont réellement. Ian Pavord préconise d’adopter une nouvelle approche dans laquelle les décisions de traitement sont guidées par une évaluation objective des principaux traits mesurables et traitables.

Cette approche repose sur un modèle dans lequel l'inflammation éosinophile est particulièrement associée aux exacerbations, alors que le dysfonctionnement des voies respiratoires est plus étroitement lié aux symptômes. Il en résulte par exemple qu’un médicament qui inhibe sélectivement l’inflammation éosinophilique ne sera efficace que chez les patients qui ont ce trait.

Les premières données cliniques relatives aux effets du mépolizumab sur la fonction pulmonaire dans une population asthmatique générale se sont révélées décevantes. Par la suite, il s’est avéré que le mépolizumab permet de diminuer les exacerbations chez les patients qui souffrent d’asthme éosinophilique réfractaire. Par ailleurs, les données de l’étude DREAM (Pavord, The Lancet, 2012) ont permis d'établir que le phénotype d'asthme éosinophilique sévère est le plus susceptible de bénéficier d'un traitement par anti-IL-5. Les chercheurs ont identifié la numération des éosinophiles dans le sang, mais pas dans le sputum, comme étant un biomarqueur permettant d’identifier ces patients. Ortega et ses collègues (The Lancet, 2016) ont montré une relation étroite entre la numération sanguine des éosinophiles et l'efficacité clinique du mépolizumab chez les patients souffrant d'asthme éosinophile sévère et ayant des antécédents d'exacerbations.

Même chez les patients asymptomatiques, des anomalies pathologiques persistantes sont fréquentes, entraînant un risque de rechute ultérieure. L’échelle ORACLE, basé sur la mesure simple des éosinophiles sanguins et de la FeNO, quantifie l'excès de risque, sans changement de traitement, dans différents groupes selon les stades GINA, le fait d’avoir eu ou pas une exacerbation l’année précédente, et la présence d’au moins 2 facteurs de risque.

Enfin, l’étude MEX (McDowell, The Lancet, 2021) a mis en évidence que les exacerbations sous mépolizumab sont deux entités distinctes, qui peuvent être différenciées sur base de la FeNO : les événements non éosinophiles sont associés à une FeNO faible, tandis que les exacerbations éosinophiles sont associées à une FeNO élevée.

Le ciblage des traits mesurables et traitables constitue une approche essentielle du développement de nouveaux médicaments pour les maladies des voies respiratoires.

Référence : Pr I. Pavord, Exacerbations in patients treated with asthma biologics. BPDays 2022.

Tezspire®, changement d’approche de l’asthme sévère

Comment traiter les patients qui ont un faible taux sanguin d’éosinophiles, un faible taux de FeNO, déjà sous biologiques mais dont les bénéfices ne sont pas aussi bons que prévu ? D’autres options sont nécessaires car de nombreux patients souffrant d’asthme sévère n’ont pas de traitement optimal aujourd’hui.

L’épithélium joue un rôle clé dans la physiopathologie de l'asthme. Il est le premier point de contact avec plusieurs déclencheurs (virus, polluants, allergènes, bactéries...). En réponse à ces déclencheurs, l'épithélium libère des cytokines, dont la lymphopoïétine thymique stromale (TSLP) qui active plusieurs voies inflammatoires.

Le tézépelumab est un anticorps monoclonal humain, premier de sa catégorie, qui bloque l'activité de la TSLP. Son efficacité et son profil de tolérance ont été démontrés par un large programme d’études.

NAVIGATOR est un essai randomisé, en double aveugle, contrôlé par placebo, mené chez des adultes (18 à 80 ans) et des adolescents (12 à 17 ans) souffrant d'asthme sévère et non contrôlé, traités par corticostéroïdes inhalés à dose moyenne ou élevée, et au moins un autre médicament de contrôle, avec ou sans corticostéroïdes oraux. Ces patients avaient eu au moins deux exacerbations au cours des 12 mois précédents. La population de l'étude comprenait environ 50% de patients avec un faible taux d'éosinophiles sanguins (< 300 cellules/μL). Le critère principal d'efficacité était le taux annualisé d'exacerbation de l'asthme pendant la période de traitement de 52 semaines. Dans la population globale, le traitement par tézépelumab a entraîné un taux annualisé d'exacerbations de l'asthme de 56 %, et une réduction de 85 % des hospitalisations associées aux exacerbations.

Une analyse groupée des études NAVIGATOR et PATHWAY a montré que la réduction des exacerbations par rapport au placebo était indépendante du nombre initial d'éosinophiles dans le sang, du taux de FeNO, du statut allergique et de l'utilisation de corticostéroïdes oraux. Par ailleurs, les patients avec des biomarqueurs élevés étaient ceux qui ont eu la meilleure réponse, et constituent également une population susceptible de bénéficier de ce nouveau traitement.

Une analyse exploratoire a évalué la proportion de patients recevant du tézépelumab qui a atteint une rémission clinique, après 52 semaines de traitement dans l'étude NAVIGATOR. La rémission clinique était définie par un ensemble de critères incluant l’absence d’exacerbation, l’amélioration de la fonction respiratoire, un score ACQ-6 ≤ 0,75, pas de recours aux corticoïdes oraux, une amélioration évaluée par le médecin comme bonne à très bonne, et une évaluation du patient comme n’ayant pas ou peu de symptômes. Au total, 12% sous tézépelumab et 4% sous placebo ont atteint la rémission clinique prédéfinie.

Le tézépelumab a également réduit l'hyperréactivité des voies aériennes au mannitol, ce qui indique que le blocage de la TSLP pourrait avoir d'autres avantages dans l'asthme que la réduction de l'inflammation des voies aériennes de type 2.

Les résultats de l'essai CASCADE ont montré que le tézépelumab réduisait la formation de bouchons de mucus, par rapport au placebo, dans une large population de patients asthmatiques modérés à sévères. La réduction des scores de mucus était corrélée à des améliorations de la fonction pulmonaire.

Enfin, les résultats de l'essai d'extension de phase III DESTINATION ont confirmé le profil global de sécurité et d'efficacité du tézépelumab à long terme. Le télépezumab est le seul produit biologique pour l'asthme sévère avec des données de sécurité et d'efficacité contrôlées par placebo sur deux ans.

Référence : Pr S. Korn, Tezspire, a gamechanger in severe asthma. BPDays 2022.

Rôle de l’infection dans l’asthme

De plus en plus de preuves indiquent un rôle important des bactéries et des virus dans la pathogenèse de l'asthme. Lors des BPDays, le Professeur R. Djukanović (University of Southampton) a fait le point sur les connaissances actuelles.

Les exacerbations constituent un problème majeur dans la prise en charge de l’asthme. Les exacerbations sévères restent d’ailleurs un facteur important de morbidité et de mortalité. Parmi les facteurs déclenchant les exacerbations, les infections virales et bactériennes jouent un rôle majeur.

Infections virales : une cause majeure d’exacerbations de l’asthme

Les infections virales sont une cause majeure de morbidité et de mortalité dans l'asthme. Les virus respiratoires à ARN sont à l'origine d'environ 80 % des exacerbations.

L'épithélium est la première barrière physique et immunitaire innée contre les pathogènes environnementaux, et initie la réponse immunitaire dans les poumons. En cas d’infection virale, le phénomène d’apoptose se met en place, au cours duquel les cellules épithéliales retiennent les virus à l’intérieur de la cellule infectée jusqu’à l’arrivée des phagocytes. Si ce mécanisme est altéré, cela mène à une mort cytopathique, qui est pro-inflammatoire – ce qui est le cas chez le patient asthmatique, et s’accompagne d’une augmentation de la quantité de virus au sein de l’organisme. « C’est un cercle vicieux qui génère de l’inflammation et dès lors, des exacerbations ». Or, « on sait que l’interféron-β est un inducteur de l’apoptose dans ce contexte. Chez un individu sain, il y a une forte induction de l’interféron-bêta, et cela manque en cas d’asthme. Le déficit en interféron-β semble jouer un rôle ici. Ces données suggèrent qu’un traitement par interféron-β inhalé pourrait constituer une nouvelle thérapie en cas d’exacerbations d’asthme induite par les virus ».

« Asthme IL-17 », un nouveau phénotype inflammatoire chronique ?

Des données suggèrent que les IL-17 pourraient être des ‘drivers’ importants de l’inflammation neutrophilique. Notamment, une équipe a montré que les des patients asthmatiques ayant des taux élevés d'IL-17, étaient caractérisés par un risque d'exacerbations fréquentes et une neutrophilie des voies respiratoires. L’analyse des voies respiratoires a montré que les gènes différentiellement exprimés chez les patients asthmatiques ayant des taux élevés d'IL-17 étaient partagés avec ceux signalés comme altérés dans les lésions de psoriasis et comprenaient des gènes régulant la fonction de barrière épithéliale et les mécanismes de défense. Les auteurs ont conclu que le phénotype d'asthme à taux élevé d’IL-17, caractérisé par un dysfonctionnement de l'épithélium bronchique, ressemble à l'immunophénotype du psoriasis. Selon le Pr Djukanović, l’analyse des caractéristiques des patients asthmatiques avec un taux élevé d’IL-17 suggère une composante bactérienne, avec une prise accrue d’antibiotiques et une prévalence plus élevée de diagnostics de polypes nasaux nécessitant une chirurgie.

Implications thérapeutiques

- Des études de laboratoire ont montré que l’interféron- β exogène inhibe la réplication virale avec une amélioration significative de l’apoptose. En outre, des données suggèrent que l’interféron-β inhalé pourrait être un traitement potentiel en cas de détériorations de l'asthme avec induction virale chez les personnes asthmatiques difficiles à traiter.

- Côté antibactérien, nous savons que l’azithromycine a des effets non-antibactériens, avec une action sur les leucocytes (stimulation initiale de la dégranulation des neutrophiles et de l'explosion oxydative associée à la phagocytose, augmentation de l'apoptose des neutrophiles...), une action sur les cellules structurelles (augmentation de l’intégrité des cellules épithéliales, réduction de la production de cytokinines, amélioration de la production de l’interféron…) et une action sur les muscles lisses (diminution des IL-17 induits par les IL-8 et diminution de la croissance des fibroblastes). Diverses études ont montré un bénéfice de l’azithromycine chez certaines populations asthmatiques, mais bon nombre de questions restent sans réponse.

« Les virus et bactéries sont des causes majeures d’exacerbations et œuvrent différemment, mais peuvent aussi agir en synergie. En termes de traitement, l’amélioration de l’immunité innée est une clé objective pour prévenir les exacerbations induites par les virus (et éventuellement les bactéries), et la modulation du microbiome avec des antibiotiques est une stratégie efficace pour prévenir les exacerbations – mais ce bénéfice pourrait être temporaire ».

Référence : Pr R. Djukanović, Rôle of infection in asthma. BPDays 2022.

L’équipe de rédaction Tempo Today

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

chevron-downarrow-up