Chez les patients hospitalisés pour hypotension et dysfonction cardiaque aiguë, l’insuffisance surrénalienne reste un diagnostic souvent sous-estimé. Ce cas illustre comment une crise surrénalienne peut mimer un choc cardiogénique et comment un simple dosage de cortisol matinal peut être décisif.
Un homme de 73 ans, atteint de polyarthrite rhumatoïde bien contrôlée sans corticothérapie chronique, est admis pour hypotension (95/73 mmHg) avec signes d’insuffisance cardiaque (FEVG à 30 %) et syndrome inflammatoire marqué. L’hypotension est initialement interprétée comme cardiogénique, d’autant que les examens infectieux sont négatifs et que l’échocardiographie confirme une cardiomyopathie non ischémique. Le patient reçoit des catécholamines et de l’hydrocortisone avec amélioration rapide de la pression artérielle. Un premier dosage de cortisol, réalisé après le début des corticoïdes, revient élevé et rassure à tort sur l’intégrité de l’axe corticotrope. Une fois stabilisé et les stéroïdes arrêtés, le patient développe une hypotension orthostatique persistante, malgré l’arrêt des antihypertenseurs, l’apport de fluides et l’introduction de midodrine.
La réévaluation endocrinienne met alors en évidence un cortisol matinal effondré (1,0 µg/dL) associé à une ACTH indosable, en faveur d’une insuffisance surrénalienne centrale. L’IRM hypophysaire étant normale, le diagnostic le plus probable est celui d’hypophysite idiopathique. La reprise de l’hydrocortisone entraîne une normalisation de la tension artérielle et une récupération nette de la fonction ventriculaire gauche (FEVG 50 % en une semaine), réinterprétant a posteriori le tableau initial comme une crise surrénalienne avec choc cardiogénique réversible. Ce cas illustre que l’hypotension réfractaire, surtout lorsqu’elle s’accompagne d’hypoglycémies et de symptômes aspécifiques (fatigue, anorexie, troubles digestifs), doit faire évoquer précocement une insuffisance surrénalienne.
Sur le plan pratique, le dosage du cortisol matinal (entre 6 h et 10 h) reste l’examen clé : une valeur < 5 µg/dL est très évocatrice d’insuffisance surrénalienne, alors qu’une valeur intermédiaire (5–15 µg/dL) doit conduire à un test de stimulation à l’ACTH. En contexte de choc, les lignes directrices recommandent toutefois de ne pas retarder l’administration de corticoïdes en cas de forte suspicion clinique, quitte à documenter l’axe corticotrope secondairement.
La crise surrénalienne, souvent sous-diagnostiquée à l’hôpital, peut se manifester par une hypotension inexpliquée ou résistante aux traitements conventionnels, et le réflexe de demander un cortisol matinal peut changer le pronostic et éviter des investigations lourdes et inutiles.
Référence : pour en savoir plus, cliquez ici.
L’équipe de rédaction Tempo Today