L’âgisme « bienveillant » : quand la protection des aînés devient une forme de discrimination

L’âgisme regroupe les préjugés, stéréotypes et discriminations liés à l’âge. S’il s’exprime parfois de manière frontale - considérer les personnes âgées comme « un poids » pour la société - il prend aussi des formes plus subtiles : décider à leur place, leur retirer des responsabilités ou les surprotéger dans l’espace public. Cette bienveillance apparente réduit leur autonomie, les infantilise et contribue à les invisibiliser.

Les professeurs Vassilis Saroglou et Stefan Agrigoroaei (Institut de recherche en sciences psychologiques, UCLouvain) montrent que cet âgisme bienveillant repose sur des mécanismes similaires à l’âgisme hostile. Tous deux sont associés à des profils psychologiques déjà liés à d’autres préjugés (racisme, sexisme, homophobie), incluant notamment le conformisme, la vision hiérarchique des groupes, la valorisation de la réussite à tout prix et une faible flexibilité intellectuelle.

Un facteur déterminant est l’anxiété face à la mort : l’âgisme fonctionnerait comme une stratégie d’évitement, permettant d’éloigner symboliquement une réalité jugée menaçante. Le traditionalisme religieux pourrait accentuer ce phénomène, mais la compassion des croyants tend à orienter leur attitude vers une version « bienveillante » plutôt qu’hostile.

Si cette forme d’âgisme passe souvent inaperçue dans les familles, à l’hôpital ou au travail, ses conséquences sont bien réelles : baisse de l’estime de soi, repli social, impact sur la santé et perte de participation citoyenne. Reconnaître et comprendre ses racines est donc essentiel pour lutter contre une discrimination insidieuse qui, sous couvert de bonnes intentions, prive les aînés de leur pleine place dans la société.