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L’édito de notre Dir Med : « Absentéisme au travail : entre complaisance médicale et utilisation perverse du « Coefficient Bradford » par l’employeur »

Dans la série « employeurs-salariés : mêmes valeurs ? », je vous invite cette semaine à pénétrer dans le monde discordant de « l’absentéisme au travail ». D’un côté, les entreprises qui voient chaque jour d’absence comme une perte financière et une réorganisation possible du travail, et de l’autre, les salariés malades qui, suivant leur motivation et/ou l’éventuelle complaisance de leur médecin, vont réduire ou majorer leurs jours d’ITT*...

L’absentéisme au travail en Belgique est-il plutôt en progression ou en régression ?

Pour la première fois depuis longtemps, l'absentéisme de courte durée (< 1 mois) est en baisse. C'est ce qui ressort de l'analyse par SD Worx des données salariales de plus de 800.000 travailleurs: «  Un Belge sur trois (31 %) n'a pas été absent un seul jour pour cause de maladie de courte ou moyenne durée en 2023, ce qui constitue une amélioration de 29%  par rapport à 2022 ». La diminution la plus importante est à Bruxelles (3,25%), suivie par la Flandre(3,24%) et la Wallonie(3,14%). L’absentéisme de durée moyenne (> 1 mois - < 1 an) reste stable, quant à celui de longue durée (> 1 an), il montre une tendance à la hausse au cours de ces 5 dernières années.1

 Pourquoi certains employeurs, tels que les hôpitaux, n’aiment-ils pas les absences de courte durée ? Le secteur des soins de santé n’aime pas les ITT courtes, de quelques jours, à en juger l’utilisation du « Score ou coefficient Bradford » comme algorithme pour évaluer si un élément met l’organisation du service en difficulté. Il semble que, pour certains secteurs professionnels, les absences de courtes durées répétitives soient plus compliquées à gérer, en termes d’organisation du travail, que les absences de moyennes ou longues durées et s’en retrouvent donc pénalisés.

 

Le « score ou coefficient Bradford » est un outil qui permet aux employeurs d’analyser l’absentéisme des travailleurs. Il met davantage l’accent sur la fréquence des absences plutôt que sur la durée de celles-ci. 2

Ainsi, 1 absence de 10j est 100x moins pénalisante que 10x 1 jour d’absence. Ce qui signifie aussi q’un(e) infirmier(ère) qui fait un effort pour se remettre au travail rapidement est largement pénalisé(e) par rapport à celle ou celui qui prend le temps de se rétablir... Une forme d’injustice sur base de leur état de santé qui rend ce score particulièrement insidieux et discriminant.

Est-ce- là une manière de contrecarrer les trois jours d’arrêt maladie par an sans certificat ? La législation belge autorise depuis fin 2022, que les employés puissent s'absenter 1 jour 3x/an, sans certificat. Conséquence, les absences d'un jour ont augmenté de 44%. C'est trois fois plus que dans les petites entreprises où le certificat reste obligatoire.3

Dans le cadre de l’utilisation du « coefficient Bradford » on est pourtant face à une procédure perverse et souvent abusive. Si certaines entreprises ne l’utilisent encore que comme indicateur à titre préventif, d’autres en font une compétition interne et cela peut même aller jusqu’au licenciement. Un employeur a même tenté d’introduire ce principe dans le règlement de travail.

Pourtant ce score de Bradford n’a pas de valeur légale... « En janvier 2013, la cour du travail de Bruxelles a tranché dans un cas de licenciement pour « absences répétées ayant gravement perturbé l’organisation du travail ». L’employeur s’était précisément basé sur le Coefficient Bradford pour justifier le renvoi de la travailleuse mais il a été condamné pour licenciement abusif ».2

Les médecins sont-ils trop complaisants avec leurs patients pour délivrer des ITT ?

Si on sépare le bon grain et l’ivraie, en traquant les médecins peu scrupuleux qui en ont fait leurs fonds de commerce, la plupart des médecins généralistes délivrent les ITT en fonction de la pathologie et du profil du patient. Nous sommes généralement les mieux placés pour juger un « tire-au-flanc » d’un « vrai malade ». Quant au nombre de jours accordés, il se situe souvent entre : « ce qui semble nécessaire au médecin pour que son patient se rétablisse complètement » et ce que souhaite réellement ce dernier. Il n’est pas rare que je veuille accorder une ITT de 4 jours et que mon patient, le plus souvent indépendant, me demande de la réduire à 3, car le 4ème jour, il a une réunion qu’il ne peut pas manquer... Je serais, moi-même, plus tolérant vis-à-vis d’une femme enceinte qui tombe malade. Priorité au bébé à venir !

Quel impact a eu le télétravail sur l’absentéisme en général ? Il semble que le fait de pouvoir rester chez soi, évite certains arrêts de travail et serait donc profitable aux employeurs4, à l’heure ou beaucoup voudraient revenir à une réduction du télétravail au sein de leur entreprise. Pourtant, les pathologies courantes, la fatigue et les mauvaises conditions de travail sont retenues comme étant les principales causes d’absentéisme, pourtant atténuées par le télétravail. Un employé acceptera plus facilement de travailler de chez lui, légèrement grippé, car il ne doit pas se déplacer ni risquer de contaminer ces collègues.

Il semble donc y avoir, ici aussi, un fossé d’incompréhension, entre certains salariés motivés qui font en sorte que leurs absences au travail, pour raison médicale, soient les plus courtes possibles et leurs employeurs qui voient cela d’un très mauvais œil et les rappellent à l’ordre avant de les pénaliser, en se basant sur ce « coefficient Bradford », qui décidément paraît être un très mauvais indice d’évaluation : injuste et discriminant...

 

Excellent week-end à tous !

Dr. Patrick De Moor

* ITT : Incapacité temporaire de travail.

 

  1. https://www.sdworx.be/fr-be/propos-de-sd-worx/presse/2024-02-21-1-belge-sur-3-na-pas-ete-absent-du-travail-un-seul-jour-pour
  2. https://mail.google.com/mail/u/0/#inbox/FMfcgzQXJkcLPBPXzCtVMzTQdjdVgnvf?projector=1&messagePartId=0.1
  3. https://www.rtl.be/actu/belgique/societe/il-y-avait-un-risque-dabus-et-cest-demontre-les-absences-au-travail-dun-jour-ont/2024-04-11/article/657493
  4. https://www.hellowork.com/fr-fr/medias/arrets-maladie-baisse-2023.html

L’équipe de rédaction Tempo Today

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One comment on “L’édito de notre Dir Med : « Absentéisme au travail : entre complaisance médicale et utilisation perverse du « Coefficient Bradford » par l’employeur »”

  1. Ça ne tient pas compte de la baisse générale de rendement en télétravail, entre celle qui en profite pour s’occuper d’un enfant malade et celui qui pianote sur ses réseaux sociaux tout en restant branché sur son ordinateur de travail. Dans un premier temps, les employeurs ont été séduits par la diminution des coûts en surface, chauffage… avant de déchanter face à la réduction de productivité.
    Quant au problème de l’absentéisme, il entraîne une surcharge de travail pour les employés « plus résistants » si la durée est courte. De moyenne ou longue durée, l’employeur pourvoit au remplacement de l’absent, ce qui est plus équitable pour le reste de l’équipe. Quand nous parlerez-vous de l’incidence du jour de la semaine sur la santé des employés ? Et de la récupération des jours de vacances en cas de maladie ?

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