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Depuis quelques années le cannabis thérapeutique est de plus en plus plébiscité comme traitement adjuvant d’un certain nombre de douleurs chroniques. Mais qu’en est-il réellement ? A-t-il fait la preuve de son efficacité ? Ne serait-ce pas un effet de mode ? « Un mirage plutôt qu’un miracle »(1) conjointement orchestré par la presse et l’industrie pharmaceutique qui surfe sur la vague très médiatisée du CBD ou cannabidiol.
Depuis sa découverte en 1963, le CBD a fait l’objet de nombreuses études scientifiques, qui ont pu démontrer qu’il possédait certaines propriétés anti-inflammatoires, relaxantes, anxiolytiques et antidépressives. Le CBD ou cannabidiol est l’un des cannabinoïdes qui composent la plante de chanvre ou Cannabis Sativa (d’après l’OMS, il serait composé de près de 200 cannabinoïdes). Contrairement au THC ou tétrahydrocannabinol (le composant le plus présent dans le cannabis), le CBD n’a pas d’effet psychotrope et ne rend pas dépendant. Pour certains, le cannabidiol est même considéré comme une solution naturelle alternative aux traitements traditionnels. C’est une des raisons pour lesquelles de nombreux pays ont légalisé sa fabrication, sa vente et sa consommation.(2)
D’après une directive européenne, la possession, l’achat et la consommation de chanvre thérapeutique à fumer sont légaux dans l’Union européenne. En Belgique, les médicaments autorisés à base de cannabis peuvent être délivrés par le pharmacien sur prescription médicale, à condition que le produit au CBD contienne moins de 0,20 % de THC. La délivrance sous forme de « plante » n'est pas autorisée.(3)
Dans notre pays, le CBD est vendu en pharmacie sous forme de produits topiques et de préparation magistrale, mais on le trouve également, en vente libre et sur le net, sous de multiples formes : huile à ingérer, infusions, E-liquide à vapoter, produits cosmétiques, compléments alimentaires (capsules et gélules), suppositoires, graines, cristaux de CBD et produits alimentaires… Le problème est qu’il n’y a pas ou peu de contrôles sur ces produits, dont la concentration en CBD mentionnée est souvent erronée. Certains fabricants n’ont, en effet, aucun scrupule à mentionner un taux de THC de 0,20 % sur des produits qui en contiennent parfois jusqu’à 30 %, soit 150 fois plus que le taux légal admis en Belgique, ce qui met le consommateur en infraction pour utilisation illicite de stupéfiants.(2)
Parmi les pathologies susceptibles d’être soulagées par le cannabis médicinal citons: l’anxiété et le stress, l’insomnie, l’épilepsie, la SEP, la spasticité et les contractures musculaires, les nausées et vomissements liés à la chimiothérapie, la fibromyalgie, des problèmes cutanés, certaines pathologies psychiatriques (schizophrénie, dépression profonde à tendance suicidaire…), les douleurs de l’arthrose et les douleurs neuropathiques.
Cependant, certains scientifiques mettent en doute l’efficacité réelle du CBD. Dans un article paru en juin dernier, dans la revue Douleurs, sous le titre “Therapeutic cannabis for pain relief: A mirage rather than a miracle?”, l’auteur nous fait part de son étonnement
quant à la discordance « médiatico-clinique » qu’il existe entre l’espoir que l’on cherche à susciter avec ce très vieux produit et sa faible efficacité thérapeutique.(1)
En 2022, un article du JAMA(4) réalise une méta-analyse portant sur 20 études randomisées en double aveugle avec 1459 participants. Cette équipe démontre qu’il n’existe pas de différence significative entre l’administration d’un placébo ou de cannabinoïdes dans le traitement de la douleur. En revanche, les auteurs ont observé un soulagement anormalement important de la douleur, supérieur à celui attendu avec les placébos, dans les études sur la douleur chronique. Ils ont alors émis l’hypothèse que la « couverture médiatique positive » autour des effets du cannabis était de nature à accroître cet effet placébo. L’équipe suédoise a alors prolongé son travail en recensant 136 articles grand public commentant des études médicales sur le cannabis. L’analyse a montré que « l’attention des médias avait un fort biais positif qui n’était pas associé aux résultats cliniques ».(4) On pourrait presque parler « d’un traitement médiatique aux vertus antalgiques ».(1)
Mais quoi qu’il en soit, in fine, c’est le résultat qui compte et si, parmi nos petites mamies, quelques-unes viennent, avec un air canaille et satisfait, nous dire que pour leurs 80 ans, elles ont essayé « la Beu » pour des douleurs arthrosiques, le mirage antalgique bio et rock & roll aura parfaitement fonctionné !
Dr Patrick De Moor
Médecin généraliste
Directeur Médical Vivactis Group
Références :
(1) https://doi.org/10.1016/j.douler.2023.06.001
(2) https://cbxmedical.com/blogs/infos/cbd-en-pharmacie-en-belgique
(3) https://www.fagg-afmps.be/sites/default/files/downloads/faq_cannabis_fr.pdf
(4) https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2799017
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