La quotidienne d’actualité médicale et santé pour les médecins et pharmaciens belges.
Alors que la réforme des soins de santé portée par le ministre Vandenbroucke agite tout le secteur médical, un acteur semble paradoxalement épargné par le débat : les mutualités. Pourtant, derrière les discours de solidarité, plusieurs signaux d’alerte dessinent le visage inquiétant d’un système tentaculaire, politisé, et en pleine dérive.
Le masque de la solidarité
D'abord créées comme caisses de secours mutuel – souvent par des ouvriers eux-mêmes, avant que l’État ne s’en mêle plus tard –, les mutuelles belges ont vu leur mission évoluer vers une influence croissante, jusqu’à devenir des acteurs politiques de premier plan. Solidaris, la plus visible d’entre elles, multiplie les prises de position publiques, les campagnes de communication accusatrices à l’encontre des médecins, et s’immisce directement dans les débats législatifs. Derrière cette omniprésence, des intérêts croisés, des conflits de rôles… et un pouvoir opaque.
Exemple édifiant : la nomination de Christel Geerts, mère de Conner Rousseau (président du parti Vooruit), à la présidence de Solidaris. Officiellement bénévole, cette figure politique renforce symboliquement le lien étroit entre mutuelles et partis. Faut-il s’étonner que la réforme Vandenbroucke épouse parfois mot pour mot les revendications de Solidaris, jusqu’à faire dire à certains médecins et à certains députés, que « le cabinet du ministre a été tenu par la main par Solidaris » ?
Le bras de fer avec les médecins
Depuis plusieurs mois, Solidaris orchestre une campagne de « medical bashing », dénonçant la prétendue explosion des tarifs chez les médecins. En réalité, la réforme en cours - sous couvert d’amélioration de l’accessibilité - menace l’équilibre du système de soins : incitation au conventionnement, plafonnement autoritaire des suppléments d’honoraires, suppression du conventionnement partiel, et surtout, 907 millions d’euros d’économies prévues sur le dos… des patients.
Solidaris s’érige en défenseur du patient, mais quelle est sa légitimité à accuser les médecins d’avidité alors qu’elle possède elle-même, au moins en partie, des maisons médicales, des pharmacies (MultiPharma), des magasins d’optique, voire des maisons de repos ? Faut-il rappeler que ces mutuelles ne sont pas de simples institutions sociales, mais de véritables groupes économiques, recevant plus de 1,2 milliard d’euros de subventions annuelles pour leurs frais administratifs ? Et pourtant leur charge administrative ne fait que diminuer avec l'obligation pour les médecins de passer au numérique.
Propagande, désinformation, et confusion des rôles
Le paradoxe est criant : tandis que les médecins sont stigmatisés pour leurs revenus (souvent bien moindres qu’annoncés une fois les frais professionnels déduits), les cadres des mutuelles restent dans l’ombre. Jean-Pascal Labille, secrétaire général de Solidaris, appelle à la transparence… tout en refusant de rendre publics ses revenus exacts, malgré les obligations imposées aux hauts fonctionnaires. Plusieurs responsables mutualistes perçoivent pourtant des salaires dépassant les 200 000 € annuels, financés par l’État et les cotisations sociales.
Le plus troublant reste la multiplication des cas de conflits d’intérêts. Comment expliquer qu’une mutuelle, qui se veut le rempart contre les excès du système, rachète un hôpital public (CHR Sambre & Meuse) et, quelques semaines plus tard, introduise une demande de reconnaissance comme « entreprise en difficulté » ? Comment justifier qu’un acteur censé défendre l’intérêt des patients devienne à la fois payeur, contrôleur et gestionnaire de soins ? Comment tolérer, enfin, que des administrateurs d’hôpitaux ou de réseaux hospitaliers soient eux-mêmes issus de certaines mutuelles - voire toujours en poste en leur sein ?
Une influence qui dépasse le cadre médical
Solidaris va plus loin : production de vidéos politiques dans des hôpitaux publics (comme au CHU de Liège), tribunes dans la presse pour appeler à stopper la grève des médecins, interventions répétées dans les médias, sans jamais être interrogée sur sa propre gouvernance. Le cas de la Fédération des maisons médicales, officiellement opposée à la grève du 7 juillet, illustre bien ce brouillage des lignes : cette fédération est directement liée à Solidaris, dont elle relaie les positions… tout en se prétendant neutre.
Ajoutons à cela l’empilement d’activités commerciales : voyages organisés, remboursements de lunettes soumis à l’achat chez leurs opticiens partenaires, etc. Un modèle de santé… ou une entreprise à but (très) lucratif ?
Une réforme utile, mais incomplète
Faut-il refuser toute réforme ? Certainement pas. Le plafonnement des suppléments d’honoraires abusifs est une mesure légitime. Mais encore faut-il que les économies ne soient pas réalisées au détriment du patient et que les mutuelles elles-mêmes soient concernées par la transparence exigée des médecins.
En effet, lorsqu’un supplément en chambre seule est facturé au patient, ce sont souvent les assurances complémentaires qui prennent le relais. Or, les mutuelles ont massivement investi dans ces assurances ces dernières années. Dès lors, un plafonnement des suppléments en chambre seule ne bénéficierait-il pas avant tout… à ces mêmes mutuelles ?
La Cour des comptes pose aujourd’hui des questions de fond : pourquoi l’État continue-t-il à financer sans contrôle un système redondant ? Pourquoi garder 7 mutuelles avec des bâtiments physiques dans chaque ville à l’heure du tout numérique ? Quels sont les véritables actifs et revenus de ces structures ?
Pour un débat équitable
Au nom de quelle justice sociale les mutualités, sous couvert de solidarité, imposeraient-elles leur vision unique de la médecine à tous les citoyens et professionnels ? Un organisme qui prétend défendre l’accès aux soins devrait d’abord rendre des comptes sur sa propre gestion.
Peut-être est-il temps de réinterroger le rôle même des mutuelles. Faut-il les dépouiller de leurs activités commerciales ? Réunifier les systèmes sous une caisse unique publique ? Ou au minimum, leur imposer une transparence identique à celle exigée des médecins ?
A l’aube de la grève, la question n’est plus de savoir s’il faut des réformes… La question est : au bénéfice de qui sont-elles réellement faites ?
Référence : Cet article a été rédigé sur base de documents, d’analyses et de témoignages collectés auprès de trois professionnels de la santé engagés, qui ont choisi de signer sous les pseudonymes de Solidarité, Résistance et Indépendance, afin de protéger leur identité face aux pressions croissantes. Leur objectif n’est pas la polémique, mais une prise de conscience collective sur les dérives silencieuses d’un système en mutation.
L’équipe de rédaction Tempo Today
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Voici une analyse à la fois excellente... et édifiante ! En effet cela fait longtemps que l'opacité des mutuelles (et spécialement les deux "poids lourds") pose problème... et ne trouve pas de solution.
Je serais d'avis de coupler toute réforme "médicale" quelle qu'elle soit à un préalable non négociable: une réforme en profondeur du système de fonctionnement des mutuelles.
La récupération, transformation et désinformation véhiculée par Solidaris est proprement abasourdissante !
Personnellement, je fais grève ce lundi... ce qui veut dire que je perds plus de 1000 euros de revenus, et on sait qu'un indépendant ne peux jamais récupérer ce qu'il a perdu. Et je ne fais pas grève pour préserver mes revenus ! Sinon je ne ferais pas grève du tout ! Quelle autre profession ose faire la grève sans aucune rémunération compensatoire ? Nous les médecins nous faisons grève quand les attaques à notre égard sont vraiment devenues insupportables. Supprimez la rémunération des grévistes dans toutes les autres professions en Belgique, vous verrez si la mobilisation sera toujours aussi importante dans la rue... Pourtant il est quand même logique de ne pas être payé si on ne travaille pas, non ?
Moi je fais grève non pas pour moi (je suis proche de ma fin de carrière), mais pour les jeunes qui arrivent dans le métier. Oui en Médecine il y a encore des travailleurs altruistes... Je fais grève pour que mes jeunes collègues aient une qualité de travail au moins équivalente à celle que j'ai eue... et idéalement mieux que ces dernière années, où la paperasserie/tracasserie administrative est devenue quasi insupportable. Tiens c'est vrai: nous faisons maintenant nous-mêmes le travail de nombreux employés de mutuelle... où est passé l'argent que les mutuelles ont économisé sur notre dos ???
Tout cela est bien observé et juste . Mais depuis des décennies, les médecins et d’autres réclament cette transparence à laquelle le monde mutualiste se refuse avec obstination, comme d’ailleurs et pour les mêmes raisons, le monde syndical . Il se trouve que chacune des ces institutions sont liées aux partis politiques, par des liens d’intérêt réciproques, et se fournissent en moyens humains et matériels les uns chez les autres . A l’exception des extrêmes dans l’éventail politique (en attendant ?) . Par qui et où trouver la détermination politique objective qui imposerait un détachement de ces deux partenaires, et une recréation cohérente et inclusive de la fonction centrale de la notion de mutualité ? Quels partis, quels politiciens scieraient la branche où ils ont pu accéder grâce à ce partage d’intérêt ? Le conflit d’intérêt n’existe pas entre eux, mais bien entre ceux-ci et la société civile (nous en quelque sorte), conflit dans lequel se perdent des sommes phénoménales chaque exercice, sommes qui pourraient profiter tant aux patients qu’aux prestataires de soin .
Enfin un début d'investigation sur les mutuelles belges... Le sujet mérite tout un dossier diffusé auprès du grand public, les éléments à charge ne manquent pas.
Arrêtons de prendre les soignants pour des boucs émissaires et défendons réellement l'intérêt des patients !
Voilà un article qui vise un problème réel
Merci
Excellent article .
Certains feraient mieux de balayer devant leur porte avant de mépriser les médecins et de leur manquer de respect .
Il est grand temps de réformer les mutuelles .
Merci pour cet article résumant extrêmement bien tous ces liens pervers et synergiques entre politique et mutuelle (Solidaris en particulier). Face à toute cette calomnie organisée contre le monde médical, il est effectivement grand temps de se demander si on ne se trompe pas de coupable et de rétablir un peu - tant qu'il en est encore temps - la vérité auprès de l'opinion publique. C'est urgentissime car la colère et le désespoir des soignants est profond et feront quitter la profession à plus d'un(e) !
Article édifiant bien que destiné à un cercle limité (je suis non professionnel santé - mais professionnel com'). Sans prendre parti, il est évident que les mutuelles ont des intérêts lucratifs dissimulés. Il serait nécessaire sur cette base, de mieux organiser la communication. Nécessaire d'informer la population qui est en général plus intelligente que ce pour quoi les politiciens la tiennent. Que les médecins constituent une cellule et se donnent un peu de moyens pour communiquer dans la durée sur divers canaux (Radio, réseaux, etc...). Manifester, mais pour attirer l'attention de la presse uniquement sur les vraies problematiques... bon courage.