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L’édito de notre Dir Med: « La fin pour nous, la faim pour tous… »

A slalomer entre les barrages filtrants des tracteurs, belges et français, il était difficile cette semaine d’ignorer la grogne des agriculteurs, éleveurs et cultivateurs confondus. Au-delà de leurs revendications, pour la plupart justifiées, la question qui se pose est « Qu’aura-t-on dans notre assiette  dans les décennies à venir ? ».  «  La fin pour nous, la faim pour tous » a-t-on pu lire sur certaines banderoles des manifestants…

Les 4 revendications de nos agriculteurs sont (1):

1) Un revenu décent : ils réclament un ajustement des marges au niveau des différents intermédiaires pour mieux rémunérer les producteurs mais également un durcissement des normes envers les autres pays qui exportent vers la Belgique des produits à prix cassés. Ce qui pousse les agriculteurs à réduire leurs marges.

2) L’application des clauses miroirs : ils veulent que les normes qui leur sont appliquées, notamment en termes phytosanitaires ou d’antibiotiques, et qui font augmenter leurs coûts de production, soient également exigées sur les produits importés dans le cadre du libre-échange.

3) L’arrêt du taux d’improductivité : la réforme de la PAC contraint les agriculteurs à un taux de 4 % d’improductivité. Sur 100 hectares, cela signifie que 4 hectares devraient ainsi être mis en jachère, en rotation annuelle, pour favoriser la biodiversité. Ce qui crée une concurrence déloyale avec les pays d’autres continents qui ne sont pas soumis à ces normes.

4) Réduire les charges administratives.

Lancée en 1962, la politique agricole commune (PAC) de l'UE est un partenariat entre l’Europe et ses agriculteurs, destiné à les soutenir et améliorer la productivité agricole, en garantissant un approvisionnement stable en denrées alimentaires à un prix abordable; à leur assurer un niveau de vie décent au sein de l’Union européenne; à gérer les ressources naturelles de manière durable; à préserver les zones rurales et les paysages dans l’ensemble de l’UE; et à maintenir l’économie du secteur(2). Sauf qu’aujourd’hui, c’est précisément ce que réclame nos agriculteurs… Alors où est le « bug » ?

Et pourtant, La PAC, gérée et financée par l’UE, ne ménage pas ses aides accordées au secteur. En 2019, sur environ 160 billions de budget global de l’UE, près de 58 billions étaient attribués aux agriculteurs, soit plus d’1/3 de son budget total…(2) Comment est-ce possible ?

Tout cela nous ramène à notre assiette et à la qualité de notre alimentation… Avec ses 10 millions d’exploitations agricoles et les 17 millions de personnes travaillant dans le secteur, l’UE prétend : « pouvoir contribuer de façon décisive à la sécurité alimentaire à l’échelle de la planète »(2). Quand on voit ce que la guerre en Ukraine, microcosme à l’échelle mondiale et ne faisant pas partie de l’UE, complique et limite l’accès à certains produits comme les céréales, il y a vraiment de quoi se poser des questions sur la véracité de ce genre d’affirmation ?

Pour protéger la qualité de notre alimentation, on l’affuble d’une série de logos qu’ils soient « Bio®,  Équitable® ou « Nutri-Score®… » afin, soi-disant, de nous garantir des aliments sains, en circuits courts et ne lésant pas les producteurs. Sauf que, si tous ces logos de qualités alimentaires sont soumis à des règles strictes, il est quasi impossible pour le consommateur d’en vérifier l’exactitude.

Rien qu’en matière de « Bio » plusieurs labels, dits certifiés, circulent au sein de l’UE, et même si tous demandent qu'au minimum 95 % du total des ingrédients soient naturels ou d'origine naturelle, les autres critères sont-ils vraiment tous respectés ? Pas de pesticides (herbicides, fongicides, insecticides…) de synthèse, pas d’engrais de synthèse, pas d’OGM, plus d’espace et un accès à l’extérieur, de la nourriture bio et pas d’ajout systématique d’antibiotiques pour les aliments des animaux d’élevage ?(3) Rien n’est moins sûr… 

D’autant que, vu le succès du label « Bio®», les grandes marques industrielles internationales s’en sont emparé et se sont engouffrées dans les failles du règlement européen de l’agriculture qui ne tient pas compte(3) :

1) du lieu de production : on peut acheter des pommes bio qui viennent d’Argentine en pleine saison des pommes belges.

2) de la saison : on peut trouver des fruits ou des légumes bio locaux mais hors saison, produits dans de serres chauffées

3) de l’emballage : un aliment bio, même frais, peut être suremballé, afin de ne pas le confondre avec d’autres dans les rayons.

4) de la santé : rien n’empêche de manger des pizzas bio, de la pâte à tartiner pleine d’huile de palme bio, des additifs alimentaires… Même si ceux-ci sont limités à 47 dans les produits bio contre 338 dans les aliments « conventionnels ».

En fin de compte, beaucoup de règlements restrictifs, mais en pratique, peu de garanties que notre alimentation soit de qualité et réponde aux normes environnementales…

Peut-être en vous serrant un peu la ceinture, vu les problèmes d’approvisionnement actuels, je vous souhaite malgré tout un très bon week-end…

Dr. Patrick De Moor

Références

(1) https://www.dhnet.be/actu/belgique/2024/01/29/manifestations-des-agriculteurs-voici-les-quatre-grandes-revendications-du-secteur-LLFJ6Y2NNBET5NBB6LRUVERYZY/

(2) https://agriculture.ec.europa.eu/common-agricultural-policy/cap-overview/cap-glance_fr

(3) https://www.ecoconso.be/fr/content/les-7-questions-quon-se-pose-sur-le-bio

 

 

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2 comments on “L’édito de notre Dir Med: « La fin pour nous, la faim pour tous… »”

  1. Les 4 revendications des agriculteurs pourraient être reprises par les docteurs:
    1. Des honoraires décents tenant compte de l'acte intellectuel (terme que peu de nos contemporains comprennent) et durcissement des normes envers
    les autres pays qui exportent vers la Belgique des soignants à prix cassés...
    2. L’application des clauses miroirs: nous voulons que les normes qui nous sont appliquées, soient également exigées des mutuelles...
    3. L’arrêt du taux de surproductivité: arrêt des gardes et permanences après une journée de travail de 10 h...
    4. Réduire les charges administratives.
    Et comme slogan: « La faim pour nous, la fin pour tous »
    Bon d'accord, je sors...;-)

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